Publié le 26 novembre 2022 à 15:12
« The bird is freed », se félicitait le multi-milliardaire souvent comparé avec le héros Marvel Tony Stark il y a maintenant un mois. Pourtant, cette opération libération de l’oiseau bleu n’a pas été de tout repos pour les parties prenantes et aurait même pu ne jamais avoir eu lieu. Nous revenons dans cet article sur les événements marquants de ce rachat et ses conséquences sur le futur de Twitter.
Le 14 mars dernier, Elon Musk acquiert sans prévenir 73,5 millions d'actions Twitter soit 9,2% du capital selon un formulaire de la SEC faisant de lui l’actionnaire principal. Cette entrée fracassante au capital de l’oiseau bleu lui aurait coûté 2,9 Mds$ et son annonce a engendré une hausse de 25% du cours de l’action dans la journée du 4 avril, le jour où le document de la SEC a été rendu public.
La prise de participation d’Elon a cependant fait élever des voix chez les anciens actionnaires de Twitter, lui reprochant d’avoir tardé à rendre publique sa prise de participation lui permettant en réalité de continuer à acheter des actions à bas prix avant de déclarer publiquement ses intentions le 4 avril au lieu du 24 mars comme prévu par la SEC.
Le lendemain de l’annonce, le milliardaire a été invité par Parag Agrawal, alors DG de Twitter, à siéger au conseil d’administration en tant qu’actionnaire principal. Invitation qu’il accepte dans un premier temps, se réjouissant de pouvoir proposer des améliorations au réseau social. Mais il renoncera finalement à intégrer le board en ne donnant aucune explication si ce n’est un émoji en réponse au tweet de Parag Agrawal annonçant le refus.
Moins de deux semaines après avoir rendu publique sa montée au capital du réseau social, Elon Musk publie un tweet : « I made and offer », écrit-il, avec un lien renvoyant vers un formulaire de la SEC rendant claire et publique son intention de racheter la totalité des actions Twitter.
Le patron de Tesla propose de faire de Twitter « une plateforme pour la liberté d’expression autour du monde », et affirme que la seule manière d’y arriver serait d’en faire une entreprise privée (non-listée sur les marchés boursiers). Il adresse donc une offre au board du réseau social à un prix de 54,20 $ par action soit 38% au-dessus du cours du 1er avril. Cela porte alors l’offre à 43 Mds$ sur la totalité de l’entreprise à l’oiseau bleu.
Bien que l’annonce du rachat semble bien perçue par les marchés financiers, elle est, au début, accueillie de manière hostile par le conseil d’administration de Twitter, qui menace dans un communiqué de riposter en diluant la participation au capital d’Elon si jamais elle dépassait un certain seuil trop rapidement.
Cette technique de défense appelée « pilule empoisonnée » consiste en l’émission d’actions en masse et à prix réduit (ou gratuitement) auprès d’actionnaires existants afin de diluer « l’attaquant » qui devra fournir un effort financier plus conséquent s’il veut aller au bout de la prise de contrôle.
L’objectif derrière cette manœuvre devait ainsi permettre au board de gagner du temps afin de trouver un autre acheteur et ainsi créer une enchère entre deux prétendants, offrant ainsi le meilleur prix aux actionnaires. Cette tentative d’intimidation prendra cependant fin le 25 avril. En effet, les actionnaires ont mis la pression sur le board pour accepter l’offre alléchante de 54.20$ par action, concrétisant ainsi un des plus gros LBO tech derrière Microsoft x Activision.
Le 13 mai, Elon Musk annonce dans un tweet mettre temporairement en pause son opération de rachat faisant lourdement chuter le cours de bourse de l’action Twitter. Il met notamment en cause le pourcentage de faux comptes présents sur la plateforme, mais cet argument est davantage perçu comme un moyen de se dégager de l’accord.
Il menacera finalement d’abandonner le deal, estimant que la direction du réseau social ferait de la rétention d’informations sur cette problématique de faux comptes. Il aurait notamment demandé un audit externe que Twitter a refusé dans un premier temps avant de céder et de fournir les informations demandées.
Musk mettra cependant ses menaces à exécution le 8 juillet en renonçant officiellement au rachat. Les informations transmises par Twitter seraient soit fausses, soit incomplètes. Néanmoins, poser un lapin à un deal à 44 Mds$ n’est pas sans conséquences, et le réseau social n’attendra pas très longtemps pour engager des procédures judiciaires.
C’est dans l’état du Delaware, où sont réglés de nombreux litiges commerciaux et financiers, que la bataille judiciaire s’engage avec une première victoire pour l’oiseau bleu qui obtient un procès rapide avec une date fixée au 17 octobre.
Le milliardaire ripostera peu de temps après et déposera fin juillet une plainte contre Twitter, accusant sa direction de mentir sur les chiffres et de dissimuler la vérité sur les faux comptes. La bataille est donc lancée et pourrait coûter très cher à Elon Musk qui commence à liquider une partie de sa participation au capital de Tesla, vendant ainsi pour 7 Mds$ d’actions.
En attendant que l’appareil judiciaire se mette en place et que les avocats préparent leurs arguments, les deux parties n’hésitent pas à trainer cette affaire en public via des tweets. Bret Taylor, alors président du board du réseau social a notamment tweeté que les accusations de Musk « sont factuellement inexactes, juridiquement insuffisantes et commercialement non pertinentes. Nous avons hâte que le procès ait lieu ».
Dans une lettre adressée au conseil d’administration de Twitter le 3 octobre, Elon Musk fait part de ses intentions de reprendre les discussions et réitère son offre de rachat, toujours à 54,20$ par action. D’abord perçue comme une tentative de repousser l’échéance du procès prévu le 17 octobre, les parties se mettent finalement d’accord le 28 octobre et Musk devient alors propriétaire et CEO de Twitter pour la somme de 44 Mds$.
Depuis son changement de propriétaire, il y a maintenant un mois, beaucoup de choses ont changées pour le réseau social. Dès son arrivée aux commandes, Musk licencie quatre dirigeants, dont l’ancien directeur général Parag Agrawal.
Le multimilliardaire engagera ainsi l’entreprise dans un plan massif de licenciement en se séparant de 3.700 personnes, soit environ la moitié des employés de Twitter. Beaucoup d’employés clés décideront quant à eux de démissionner, laissant la plateforme accumuler les problèmes techniques.
Les coûts maintenant réduits, reste à trouver une nouvelle source de revenus qui provenaient alors quasi exclusivement d’annonceurs. Elon Musk lance donc Twitter Blue, un service offrant la possibilité aux utilisateurs de payer 8 $ par mois pour obtenir le badge bleu qui distingue les comptes certifiés. Ce service laissera dans un premier temps place à de nombreux faux comptes certifiés de personnes politiques avant d’être bannis de la plateforme.
Dans un mail envoyé à ses employés restants, Elon Musk fait part de ses inquiétudes quant à la situation économique du réseau social qu’il qualifie comme désastreuse. Il aurait même évoqué la possibilité que Twitter fasse banqueroute à l’occasion d’une réunion en interne.
Le management serait, selon des collaborateurs, devenu « chaotique ». Il leur est notamment demandé de travailler 40h par semaine minimum et Musk parle même d’imposer un rythme « hard-core » à ses employés.
La modération du contenu sur la plateforme est quant à elle devenue un semblant de démocratie. Les décisions de rétablir des comptes alors bannis de Twitter se font avec des sondages publiés directement sur le compte de Musk. C’était notamment le cas pour le compte de Donald Trump qui a été rétabli juste après.