Publié le 15 décembre 2022 à 13:28
La fusion-acquisition considérée comme la plus grosse transaction financière de l’année risque de ne pas avoir lieu, et pour cause, le mariage entre le géant de l’informatique et le mastodonte du jeu vidéo n’a rien d’un long fleuve tranquille. Cet article revient sur le rachat d’Activision par Microsoft et sur les risques bien réels d’un blocage par la justice américaine.
C’est en tout début d’année, le 8 janvier précisément, que Microsoft et Activision annoncent leur rapprochement dans un communiqué de presse partagé sur leurs sites web respectifs. On y apprend alors le montant de la transaction évalué à 95$ par action Activision soit un montant total de 68.7 Mds$, financé à 100% en cash. Ce rachat ferait alors de Microsoft le troisième plus gros acteur du jeu vidéo derrière Tencent et Sony. La transaction devrait être complétée courant 2023.
Avec ce rachat, Microsoft a pour ambition de devenir le « Netflix du jeu vidéo », et pour arriver à ses fins, l’entreprise fondée par Bill Gates a besoin de garnir son catalogue de jeu avec de grosses licences à succès. Ces blockbusters à plusieurs millions voire milliards d’euros de recettes, Activision n’en manque pas : Overwatch, World of Warcraft, Diablo, Candy Crush et Call of Duty, parmi d’autres, viendraient ainsi compléter l’offre du Game Pass de Microsoft.
Cette éventualité à beau faire scintiller les yeux des joueurs et des commentateurs, elle fait aussi grincer des dents les grands acteurs du secteur. Parmi les concernés, Sony, le grand rival japonais de Microsoft sur le segment des consoles de salon a perdu près de 13% de sa capitalisation boursière sur la place de Tokyo le jour de l’annonce, soit 20 Mds$ en un seul jour. Le risque de perdre des partenariats stratégiques exclusifs avec des licences comme Call of Duty en étant la principale cause.
L’annonce a également mis en lumière les scandales existants au sein d’Activision. L’éditeur de jeux vidéo a en effet été mis en cause plusieurs fois par ses employés dénonçant des discriminations et du harcèlement sexuel. Ces accusations ont notamment été portées devant la justice et des manifestations ont été organisées par les employés.
Après plusieurs mois de silence radio autour de ce rachat et les tensions étant, en apparence apaisées, la Competition and Markets Authority (CMA), organe de régulation de la concurrence au Royaume-Uni, décide en septembre de mener une enquête approfondie sur la possible position dominante de Microsoft que lui conférerait cette opération. Elle sera suivie un mois plus tard par Bruxelles qui ouvrira également une enquête craignant que Microsoft puisse verrouiller l’accès à Call of Duty à ses propres plateformes.
Ça sera enfin au tour de la Federal Trade Commission (FTC) de s’en mêler en indiquant clairement qu’elle pourrait bloquer la transaction, prétendant que le géant de l’informatique acquerrait une place trop dominante dans le paysage du jeu vidéo, entravant ainsi la compétition dans le secteur. Le gendarme américain de la concurrence remet également en cause la future accessibilité à la licence Call of Duty.
Pour se défendre, Microsoft n’est pas à court d’arguments, et décide d’amorcer un déminage en rassurant les autorités du monde entier que Call of Duty restera disponible sur toutes les plateformes, et s’engage même à l’ouvrir à la Switch de Nintendo pour une durée de 10 ans.
Son vice-président ira même jusqu’à déclarer que « Microsoft fait face à d'énormes défis dans l'industrie du jeu » et n’a « aucune présence significative dans l'industrie du jeu mobile », ajoutant que la Xbox se place derrière ses deux principaux concurrents Sony et Nintendo. Une manière ainsi de faire paraître le titan de l’informatique plus petit qu’il ne l’est.
La décision est désormais entre les mains de la justice américaine qui, suite à la plainte de la FTC, devra décider si un procès doit avoir lieu, une décision lourde de conséquences sur l’avenir du marché du jeu vidéo mais aussi un échec sans précédent pour Microsoft.