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Fusion TF1 - M6 : Analyse d’un mariage avorté

Dans un communiqué de presse publié le 16 septembre dernier, le groupe TF1 et le groupe M6 annoncent mettre fin à leur projet de fusion. Cet article retrace les événements de ce projet de mariage entre deux géants de télévision française finalement tombé à l’eau.

Publié le 03 octobre 2022 à 09:11

En février 2021, le groupe allemand Bertelsmann, propriétaire du groupe M6, décide de se retirer définitivement du marché français, et commence à rencontrer de potentiels repreneurs pour la 6. On retrouvera parmi les premiers prétendants, le groupe Bouygues, propriétaire de TF1. Après plusieurs mois de rumeurs, le rapprochement sera officialisé par un communiqué publié le 17 mai 2021.

Un nouveau groupe

D’après le communiqué de presse, cette fusion se déroulerait en plusieurs étapes impliquant un échange de 2.1 actions TF1 pour une action M6, ainsi qu’une transaction en cash de 641 M€. Le groupe de BTP prendrait alors le contrôle de 30% de M6 ce qui en ferait l’actionnaire principal. La nouvelle entreprise fusionnée consoliderait un chiffre d’affaires de 3.6 Mds€ et réaliserait une marge de 461 M€. Enfin, la fusion est annoncée comme étant créatrice de valeur pour le nouveau groupe avec des synergies sans licenciement, évaluées entre 250 et 350 M€ sous 3 ans après clôture du deal fin 2022.

Outre un large catalogue d’émissions populaires comme Koh-Lanta, Top Chef ou encore Capital, et une présence omnicanale, l’accélération du développement d’une plateforme française combinant une offre de replay et de streaming fondée sur MyTF1 et 6play, ainsi qu’une offre de SVOD pouvant concurrencer les GAFAN (Google, Apple, Facebook, Amazon et Netflix) semble être une des motivations majeures en faveur de la fusion entre les deux groupes. En effet, l’attractivité de la télé chez les jeunes est en baisse depuis plusieurs années, et bien que cela soit dû à une combinaison de facteurs générationnels, la montée en puissance des plateformes de streaming américaines reste une menace directe pour les diffuseurs.

Too big to merge

Le 17 février 2022, l’autorité de la concurrence est officiellement notifiée par Bouygues de son intention de mener cette opération à son terme. Le gendarme de la concurrence ouvre donc une phase d’examen approfondie afin d’analyser en détail les conséquences d’un tel mariage. Les différentes activités pour lesquelles l’ADLC poursuivra l’analyse des effets de l’opération sont : l’acquisition de droits de diffusion de contenus audiovisuels ; l’édition et la commercialisation de chaînes de télévision ; la distribution de services de télévision et la publicité. Aussi, le nouveau groupe serait constitué de 10 chaines de télé soit 3 de plus que ce qu’autorise la loi relative à la liberté de communication, contrainte à laquelle il a été proposé de répondre en vendant 3 chaines mineures à Altice, la maison mère de SFR.

Après des milliers de pages de comptes-rendus et une vingtaine d’auditions, l’autorité identifiera un problème d’ultra-dominance du nouvel acteur qui possèderait plus de 70% du marché de la publicité télé ainsi qu’un important pouvoir de négociation face aux fournisseurs d’accès à internet qui pourrait mener à un potentiel abus de position dominante.

« En outre, en raison du caractère incontournable ensemble des chaînes des groupes TF1 et M6, la nouvelle entité disposera d’un pouvoir de négociation accru vis-à-vis de ses distributeurs, tels que les fournisseurs d’accès à Internet, ce qui aurait entrainé un risque de hausse de sa rémunération. La proposition d’engagements comportait notamment une séparation des régies publicitaires des chaînes TF1 et M6. Les incitations de ces régies à se faire concurrence auraient toutefois été limitées par le contrôle que Bouygues aurait exercé sur elles. Le risque de hausse de prix n’aurait donc pas pu être écarté. »

Avec un avis non favorable à la fusion des deux chaines, le rapport d’instruction proposait des solutions radicales dénaturant ainsi le projet initial, ne laissant d’autres choix à Bouygues que d’avorter son projet de créer un champion national de l’audiovisuel.

L’abandon du projet sera officialisé par un communiqué publié le 16 septembre dernier dans lequel les parties déplorent que l’Autorité de la Concurrence n’ait pas pris en compte l’ampleur et la vitesse des mutations du secteur de l’audiovisuel français.

La course est relancée

TF1 désormais hors course, Bertelsmann doit absolument trouver repreneur pour sa chaine M6 et vite. En effet, le calendrier apparaît très contraint car le renouvellement de l’autorisation d’émettre de M6 arrivera à échéance le 5 mai 2023, et si le groupe allemand est toujours propriétaire de la 6 d’ici là, il sera obligé de conserver sa participation pour les 5 années à venir.

Parmi les prétendants, on retrouverait Xavier Niel, fondateur de Free et cofondateur de Mediawan présent dans la production de contenu audiovisuel, Stéphane Courbit qui est à la tête de LOV Group aussi présent dans l’audiovisuel, et Daniel Kretinsky, homme d’affaires tchèque ayant fait fortune dans les énergies fossiles et actionnaire indirect du journal Le Monde. Certains prétendants auraient déjà soumis plusieurs offres mais aucun n’a communiqué à ce sujet.