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Atos, une scission pour sortir du tourbillon

Le groupe leader spécialisé dans la transformation digitale est en zone de turbulences et prépare la séparation d’une partie de ses activités.

Publié le 24 octobre 2022 à 11:51

Le leader français des services informatiques et de la cybersécurité qui emploie plus de 100.000 personnes à travers le monde et qui as longtemps suivi une trajectoire croissante, nage désormais en eaux troubles. Atos a connu trois changements de directeur général sur ces douze derniers mois et son cours de bourse a perdu les deux tiers de sa valeur.

Entrée dans le club très privé des 40 plus grosses sociétés françaises en 2017, l’entreprise connaitra une chute de 40% de son cours de bourse en cinq jours cet été et a au total perdu près de 80% de sa valeur depuis son entrée au CAC 40 avant d’en sortir en 2021, laissant sa place à Eurofins Scientific.

Descente en enfer

Le 1er janvier de cette année, Atos change de directeur général. C’est Rodolphe Belmer, ancien DG d’Eutelsat l’opérateur en satellites, qui prendra les rênes de l’entreprise. Cette nomination avait pour objectif de rassurer les investisseurs, pressés de voir partir l’ancien patron Elie Girard. Il n’en sera pourtant rien puisque le cours de bourse poursuivra sa chute. Les résultats affichés pour 2021 sont désastreux pour le groupe avec un résultat net en perte de 2.96 Mds€ et un flux de trésorerie négatif à -419 M€. La bourse pénalisera lourdement cette performance et le cours d’Atos perdra 17% en une seule journée.

À l’origine de ses mauvais résultats, le groupe accuse un recul de ses activités de ses services IT, combiné avec une inflation des charges de personnel et des tensions d’approvisionnement survenues au premier semestre 2021. Mais l’entreprise à du également constater une forte dépréciation de son actif à hauteur de 2.5 Mds€, dont 1.3 Mds€ en dépréciation de survaleur concernant des acquisitions.

Outre les résultats opérationnels, l’entreprise a connu de nombreux faux pas, semant un vent d’inquiétude sur les marchés boursiers. Début 2021, la multinationale était en passe d’acquérir un concurrent américain considéré comme étant en décroissance structurelle, la nouvelle n’a pas plus aux investisseurs et l’action Atos perdra 10% de sa valeur. Le projet sera finalement abandonné, mais les conséquences pas complétement absorbées.

En mai 2021, les actionnaires votent contre l’approbation des comptes consolidés lors de l’Assemblée générale, un cas de figure que personne n’aurait imaginé pour une entreprise de ce gabarit et qui sera perçue comme un affront par les investisseurs.

Problèmes de gouvernance

Le groupe informatique aura connu trois directeurs en neuf mois, il aura aussi vu sa capitalisation boursière divisée par trois depuis ce début d’année passant sous le milliard d’euros. Comme cité précédemment, l’arrivée du Rodolphe Belmer était censée apaiser les cœurs sensibles de la bourse, rien n’en fut. L’ex-patron de Canal Plus annoncera sa démission six mois plus tard lors du « capital markets day » d’Atos, une démission sans préavis et à effet immédiat.

La raison de ce départ serait due à de profonds désaccords entre le conseil d’administration et son directeur général. Déjà dès son arrivée, il dresse un constat amer de la situation de l’entreprise avec un avertissement sur résultats et une grosse dépréciation sur actifs. Le ton est donné et il ne plaît pas forcément à Bertrand Meunier, président du CA.

La situation empierrera quelques mois plus tard lorsque émerge cette idée de se séparer de son activité Big Data & Sécurité (BDS) afin de financer la restructuration du groupe. Le conseil sera profondément contre cette idée et rejettera à l’unanimité cette proposition, causant indirectement le départ de son directeur général.

La gouvernance du groupe est assurée aujourd’hui par une direction tricéphale. Nourdine Bihmane, est en charge de l’activité Tech Foundations et de la génération de trésorerie. Diane Galbe pilote les projets stratégiques et l’ensemble des fonctions support. Philippe Oliva est à la tête de l’activité Digital, Big Data et Sécurité, ainsi que du plan d’accélération et d’innovation pour ces activités. Le conseil d’administration accueillera lui quatre nouvelles têtes, dont trois issues de cabinet de conseil et M&A.

Plus forts séparés

L’activité infogérance d’Atos pèse négativement sur les résultats globaux du groupe. C’est la raison pour laquelle le groupe prévoit de scinder ses activités en deux en introduisant son activité Digital + BDS en bourse à l’été 2023 sous le nom d’Evidian. Les deux entités devraient être plus fortes séparées et cette opération de « carve-out » débloquerait ainsi de la valeur pour les actionnaires, jusqu’ici emprisonnée dans l’entité combinée.

Atos a présenté lors de son « capital markets day » ses ambitions pour la nouvelle entité. Les prévisions d’Evidian à horizon 2026 tableraient sur un chiffre d’affaires de 7 Mds€ contre 4.9 Mds€ aujourd’hui et devrait générer 700 M€ de free cash-flow. Philippe Oliva assurera la direction de la nouvelle société.

Atos conservera tout de même son nom et sa gouvernance pour la partie des activités historiques et conservera également 30% du capital d’Evidian avant de revendre progressivement sa participation.